Un manuscrit du XIIe siècle
Printemps 2019, rapide coup d’œil-réflexe à la vitrine d’un bouquiniste ; arrêt-blocage immédiat face aux feuillets d’un manuscrit généreusement ouvert présentant une calligraphie connue aux yeux ébahis du passant d’un jour : « Pas possible ! Cette écriture semble bien de la fin du XIIe siècle ». Avec une rubrique prometteuse en prime : « Incipit prologus Baldrici episcopi in hystoriam Iherusalem ». Enquête-éclair menée grâce aux moyens actuels de communication instantanée, contacts immédiats avec deux collègues universitaires fins connaisseurs dudit Baudri retour pressé chez le bouquiniste, assurances probantes que l’objet ne résultait pas d’une soustraction frauduleuse, accord raisonnable sur le prix et acquisition enchanteresse ; nettoyage, numérisation, mise en ligne, puis reliure à la clef avant d’aller rejoindre un jour les rayons d’un dépôt public. Fin du film, comme chaque médiéviste souhaiterait en visionner un dans sa vie…
Enchâssés dans une couverture fin XIXe siècle faite d’une demi-reliure en cuir de basane très usée enserrant des plats en carton fatigués, ce manuscrit (18 x 25,5 cm) comptait originellement au moins 142 feuillets de parchemin numérotés par une main plutôt fin XVIIIe. Manquent aujourd’hui plusieurs suites discontinues à raison d’un total de 29 folios, notamment ceux 1 à 9. L’état général est plutôt bon, mais a nécessité une dépose de la reliure et de la couture, un enlèvement des résidus de colle et un sérieux dépoussiérage. Tous les folios comportent 26 à 30 lignes réglées à la page et, hormis les 10ro-11ro, sont d’une main unique post-rotunda nettement gothicisante, dépouillée, parfaitement lisible et peu abrégée. A défaut de toute formulation explicite, les années admises de rédaction de l’Historia… (no 2 ci-après), ce type d’écriture et l’emploi du ę cédillé confirment une probable datation autour de la décennie 1170-1180. L’ensemble est dépourvu d’enluminures, habillé à l’encre noire, avec quelques (sous-)titres nus et majuscules ornées en rouge. En fin de manuscrit notamment, certaines marges comportent, de plusieurs mains postérieures, quelques brefs commentaires, des soulignages verticaux, des petits dessins (têtes à œil ouvert, mains indexées), des inscriptions (nota, ad notandum) de différentes époques destinées à attirer l’attention du lecteur. Quelques grattages et rajouts attestent de relectures du texte. D’un doigté malhabile, trois titres courants postérieurs (fin XVe s. ?) guident vers quatre œuvres littéraires de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen-Age, dont la numérisation est à trouver ici sous quatre sous-onglets différents :
Vita Karoli
d'Eginhard, seconde moitié
folio 10r° - 18v°
Transcrite dans plus de 200 copies dispersées à travers le monde, objet de nombreuses éditions successives et de multiples études critiques sur lesquelles s’est [...]
Historia
Hierosolimitana
de Baudri de Bourgueil
folio 19v° - 102r°
les folios 66-71 sont en déficit, mais les 89 autres conservés livrent quelque 93% de l’Historia Hierosolimitana de Baudri de Bourgueil. Cet [...]
Saturnales
de Macrobe, Livre VII incomplet
folio 102v° - 130v°
Partie du Livre VII des Saturnales de Macrobe.
Apocalypse
du Pseudo-Méthode, grosse moitié
folio 133r° - 142v°
Grosse moitié de l’Apocalypse du Pseudo-Méthode.
Un manuscrit du XVIIIe siècle
L’auteur de ce manuscrit, François Nicolas Eugène Droz des Villars, est né à Pontarlier en 1735, mort à Saint-Claude en 1805. Avocat et conseiller au Parlement de Besançon, secrétaire de l’Académie de cette ville, il fut et reste un historien franc-comtois renommé. Le site de la Bibliothèque nationale de France propose une liste de ses ouvrages imprimés, également consultables à la Bibliothèque municipale de Besançon.
Une partie des manuscrits de son cabinet forme la Collection Droz de ce fonds. Leurs notices descriptives sont à lire dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XXXIII, II/2, Paris, 1904, p. 713-743. Il n’est à peu près aucun thème de l’histoire comtoise médiévale et moderne auquel Droz, inlassable copiste et son équipe de scribes (chartriers des Chalon, du Parlement, de l’archevêché, de nombreuses abbayes) n’aient porté quelque attention avant les dilapidations révolutionnaires. {...}
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